Aide à la vie scolaire

Un enfer pavé des bonnes intentions

Partant du constat qu’une part importante et croissante de la population suisse, 22 % en 2021 selon l’Office fédéral de ls statistique (OFS), vit avec un handicap ou une maladie chronique, la fonction d’aide à la vie scolaire (AVS) est née de la volonté du monde politique d’intégrer les enfants à besoins spéciaux à l’école publique afin de leur offrir des chances d’apprentissage et une vie sociale équitables.

En 2016, le besoin d’école inclusive est codifié en Valais dans la Loi sur l’enseignement spécialisé (LES) en tant que mesure renforcée d’enseignement spécialisé dans la panoplie mise en place pour les élèves en situation de handicap. On cherchera en vain dans la LES le cadre de l’activité des AVS. La fonction n’y existe pas.

Résultat de cette politique, depuis 2005, le nombre d’élèves scolarisé-e-s dans une classe ou une école spéciale a diminué de 40%, passant de 50 000 à 30 000 (OFS). Le transfert d’élèves qui en a résulté n’a toutefois apparemment pas été planifié adéquatement.

Aussi, pour pallier des besoins sans cesse croissants, l’Office de l’enseignement spécialisé (OES) a ouvert le recrutement en grand et sans exigence de formation initiale à un emploi à mi-chemin entre un emploi de type care et l’enseignement spécialisé. Or s’occuper d’enfants avec des traits autistiques est une tâche complexe, et d’une grande importance pour leur bien-être et leur développement, qui ne devrait pas s’improviser. Une tâche qui mériterait une formation adéquate, supérieure aux deux demi-journées allouées actuellement.

Une formation spécifique aurait par ailleurs le mérite de fournir un socle commun à des femmes avec des parcours de vie différents et en conséquence des qualifications et des compétences très variées, dont d’ailleurs l’OES valide l’utilité en engageant, mais qu’il manque à reconnaître officiellement.

Sans cadre légal, l’activité des AVS connaît dès lors une destinée de travail féminin dopé aux stéroïdes: essentiel et nécessaire au fonctionnement du système, mais invisible, sous-payé, précaire, non qualifié, non qualifiant, non valorisé, non professionnalisant, et qui maintient les travailleuses dans la précarité.

Ces femmes en quête de réinsertion professionnelle, souvent d’anciennes mères au foyer avec des parcours professionnels en pointillé nous rendent visite dans nos bureaux de Sion. Elles porteront ici des noms d'emprunts.

Margot nous raconte: «Parfois, nous devons sortir de la classe avec l’enfant qui est sous notre garde, et faute d’un endroit pouvant nous accueillir, nous nous retrouvons dans les couloirs pour certaines activités. Le matériel adapté manque et nous devons par exemple nous asseoir en classe sur des chaises d’enfant.»

Hélène renchérit: «Pour les sorties avec certain-e-s élèves à mobilité réduite, c’est compliqué, faute d’équipement adéquat.» Sandrine ajoute: «Aussi, on nous demande d’organiser des sorties avec nos élèves, ce qui est une bonne chose, mais on ne nous donne pas de moyens pour le faire, ce qui est regrettable. Alors, régulièrement, je me retrouve à payer de ma poche pour pouvoir offrir un joli moment à mon élève. Et ces frais ne nous sont pas remboursés.»

«J’ai moi-même élevé un enfant avec des besoins particuliers, mais ça n’a pas été considéré comme une expérience préalable», regrette Anna.

Le sentiment qui prédomine est que ces femmes aiment leur travail et les enfants qu’elles accompagnent, mais qu’elles ont trop longtemps souffert d’être comme «invisibles», sans reconnaissance, écoute, ni soutien.

Alors, elles nous racontent: les contrats à durée déterminée sans garantie d’emploi, des salaires maximaux qui ressemblent à des salaires minimaux, voire qui baissent après plusieurs années d’expérience, les énormes responsabilités et charges vis-à-vis d’enfants aux troubles du spectre autistique qui se montrent parfois agressifs, les rémunérations à l’heure ou à la période (selon la commune employeuse) qui s’arrêtent pendant les vacances. Natacha explique: «Notre salaire dépend des périodes effectuées avec l'enfant que nous accompagnons, et par conséquent il varie chaque mois et d’autant plus en cas d’absence prolongée de l’enfant. Comme le salaire n’est pas annualisé, les mois de vacances sont des mois sans salaire, et même sans assurance-accidents professionnels.»

La pénibilité de leur travail induit un taux de rotation important: «En définitive, c’est aux enfants que nuit le plus l’importante rotation des AVS», conclut Margot.

Un postulat déposé le 15 décembre 2023 par une alliance PS/PLR/UDC demande au Conseil d’État de réévaluer les critères d’engagement des AVS et de «redéfinir les modalités de rétribuer» les AVS.

Le chef de l’OES admet, selon des informations recueillies par une journaliste de bluewin, que la situation actuelle est loin d’être idéale, notamment en raison de la rémunération «à l’heure» de l’activité. Par ailleurs, et ce point est loin d’être anodin, les communes semblent freiner là où le Canton serait disposé à avancer et proposer des solutions pour valoriser les AVS.

Au SSP – Région Valais, nous avons décidé de nous emparer du dossier et nous allons nous battre pour améliorer les conditions de travail de ce personnel, en étudiant la situation dans les autres cantons, en prenant contact avec les autorités responsables et en entamant une action politique tout en tentant de rassembler le personnel concerné, mais éparpillé.