Dans le système de santé, les offensives des acteurs privés vont bon train et la galaxie des organisations de soins à domicile privées (OSAD) est en pleine expansion.
En Valais, à l’offre des CMS s’ajoute désormais celle de multiples OSAD, investissant le champ des soins à domicile en cow-boys sans foi ni loi; nous recueillons un nombre croissant de témoignages portant sur des conditions de travail inacceptables, des violations flagrantes du droit et de vives préoccupations quant à la qualité des soins et la sécurité des patient-e-s.
Les plannings de travail communiqués au personnel sont surréalistes: il nous a été rapporté un mode d’organisation consistant à envoyer les horaires avec 2 jours d’avance seulement (la loi prévoit deux semaines au minimum), l’employeur considérant qu’il existerait une différence entre le planning (les jours planifiés) et les horaires (les heures de travail dans ces journées). L’impact sur la vie privée et familiale est considérable, voire insupportable. D’autant que ces plannings sont ajustés continuellement, que les horaires changent quotidiennement, qu’il est de la responsabilité des soignant-e-s de vérifier leur planning tout au long de la journée – et jusqu’au moment du coucher pour le lendemain -, que les heures de repos lors d’horaires coupés (par exemple: 4 heures de travail le matin et 4 heures en soirée) sont tout bonnement considérés par l’employeur comme du temps de disponibilité et que les annulations de visite par un-e patient-e sont à la charge du-de la soignant-e, qui devra les compenser car ces heures non effectuées figurent en heures négatives sur le décompte mensuel! Pire encore: nous avons vu un décompte mensuel sur lequel les jours de repos et de congé apparaissent en heures négatives à rattraper!
Compte tenu du climat de travail instauré par ces méthodes, rares sont ceux et celles qui osent s’exposer, car les cow-boys de la santé privée ont la gâchette facile!
Dans ces conditions et dans certaines entreprises, le tournus donne le tournis: licenciements, démissions, arrêts maladie en pagaille, ce qui accroît la pression sur ceux et celles qui restent et subissent les pratiques organisationnelles douteuses de leur employeur.
Au mépris de la loi, le temps de déplacement entre les lieux de domicile des patient-e-s n’est pas considéré comme du temps de travail. Par conséquent, en dépit de tournées à rallonge et de semaines surchargées, le compte des heures de travail contractuelles n’y est pas et le personnel reçoit des décomptes des heures effectuées auprès des patient-e-s …. et un solde d’heures négatif à rattraper!
Même lorsque les temps de déplacement sont partiellement ou totalement pris en compte, l’astuce de certains employeurs consiste à envoyer leur personnel, pour le premier patient de la journée, au diable Vauvert et le faire terminer sa tournée à l’autre bout du secteur d’intervention, le premier et le dernier déplacement de la journée, entre domicile et lieu de visite (et vice versa), n’étant pas considéré comme temps de travail!
Pour les soins et les accompagnements, c’est simple: du moment que le ou la responsable délègue des soins, par exemple à une auxiliaire de santé, celle-ci peut accomplir des gestes de soins pour lesquelles elle n’a pas été initialement formée. Une explication, parfois une simple capture d’écran envoyée par Whatsapp suffit.
Les OSAD préfèrent en effet engager des auxiliaires de santé et souvent, selon nos constats, des femmes en situation relativement précaire ou difficile, avec charge de famille, et donc peu enclines à faire valoir leurs droits ou à quitter leur emploi. Ces employeurs limitent l’engagement et les interventions d’infirmier-ères ou d’ASSC et délèguent – contrairement aux pratiques encadrées dans les EMS et CMS – des actes médico-techniques complexes à des auxiliaires de santé sans formation ad hoc, mettant éventuellement en danger des patient-e-s et engageant la responsabilité du personnel soignant. Nous enquêtons à ce sujet et ne sommes pas au bout de nos surprises, à n’en pas douter.
C’est la recherche de profit qui commande de réduire au maximum les frais de fonctionnement et qui mène à ces aberrations et violations du droit.
Ces structures de soins privées complètent l’offre des CMS, qui de leur côté font face à une forte croissance des besoins, au vu de l’évolution démographique de la population, et sont confrontés à de graves pénuries de personnel. Dans cette situation, des partenariats entre prestataires publics et privés se développent, au détriment du personnel et des patient-e-s.
Si vous êtes concerné-e-s, vous pouvez engager une démarche aux prud’hommes pour faire valoir les heures de travail non payées dans les cinq dernières années. Il est donc crucial de tout noter, consigner, calculer pour être prêt-e le moment venu.
Le SSP - Région Valais est en campagne pour sensibiliser les décideurs politiques et informer le personnel des OSAD; il est plus que jamais indispensable de réclamer des outils de contrôle efficaces, pilotés par des services cantonaux mieux dotés en personnel, et que ces contrôles portent sur la qualité des soins autant que sur les conditions de travail. Idéalement, bien entendu, les services publics devraient disposer de ressources suffisantes et reprendre la main sur ces entreprises à but lucratif, tant leurs logiques sont incompatibles avec les missions de service public.
Recueil de témoignages: si vous travaillez dans une OSAD, que vous estimez que vos droits ne sont pas respectés ou que vous êtes préoccupé-e-s de quelque manière que ce soit, prenez contact avec le SSP au 027 323 26 60 ou à l’adresse